Surmonter la grave pénurie d’eau : Une vision marocaine
Les six années consécutives de sécheresse au Maroc ont été pour le moins atroces. L’effet sur le coût des produits alimentaires essentiels, comme la viande et l’huile d’olive, a été remarquable. Ces dernières années, il n’est désormais plus possible de déterminer le début de la saison des pluies, ce qui rend difficile de déterminer quand planter, si la pluie va tomber ou si nous devons nous adapter à une nouvelle tendance.
Cependant, la créativité humaine et les politiques nationales marocaines en faveur de la durabilité pourraient atténuer le poids considérable de la sécheresse. Le Maroc se montre prêt à relever ce défi, et sa démarche pourrait servir de modèle pour assister d’autres pays dans leur lutte contre leur propre crise hydrique.
Tous les cadres nationaux essentiels sont en place pour encourager les populations au niveau local à s’adapter et à faire preuve de résilience. En réalité, la sévérité de la sécheresse, qui exige une adaptation, pourrait donner un nouvel élan aux chartes, politiques et programmes déjà établis par le Maroc pour impliquer la population dans la gestion des ressources naturelles.
En effet, les communautés locales qui intègrent le développement durable et les processus démocratiques participatifs du Maroc pour faire face à la crise de l’eau pourraient grandement contribuer à la réalisation de l’objectif national d’instaurer des administrations décentralisées. En fin de compte, plus les acteurs locaux (qu’ils soient du secteur privé ou public) collaborent pour mettre en œuvre les initiatives identifiées par les communautés, plus les systèmes de gestion décentralisée prennent forme de manière tangible.
Les investissements du Maroc dans la désalinisation et d’autres projets d’envergure nationale visant à accroître et à répartir de manière stratégique son approvisionnement en eau pour garantir l’équilibre régional sont considérés comme remarquables selon les normes internationales établies. Ces investissements mettent en lumière la justification rationnelle du processus de décentralisation au Maroc, qui vise à soutenir les régions les moins développées au niveau national. Dans cette optique, sous la conduite de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, le Maroc progresse de manière significative vers l’atteinte de ses objectifs malgré un contexte particulièrement complexe, en intégrant ces initiatives aux énergies renouvelables et à l’urgence reconnue à l’échelle nationale.
Néanmoins, la mise en œuvre de la gestion communautaire des opportunités locales et des infrastructures hydrauliques rénovées ou nouvellement créées demeure un défi, et la mobilisation rurale à grande échelle, jugée indispensable, n’est pas suffisamment stimulée pour garantir une plus grande réussite.
Un processus de développement durable visant à mettre en place des systèmes d’approvisionnement en eau locaux, favorisant la conservation tout en permettant une production accrue, tel que celui adopté par le Maroc, implique que dans les zones rurales les plus touchées par la pénurie d’eau, les femmes et les hommes se rassemblent en divers lieux, conformément à la tradition, afin d’analyser, à la fois en tant qu’individus et en tant que collectif, les difficultés rencontrées dans leur vie en termes de relations sociales, d’opportunités d’emploi et financières, ainsi que de santé, d’éducation et de moyens de subsistance.
En se plongeant d’abord dans une réflexion profonde sur les défis internes, les dynamiques et les processus de découverte qui façonneront leur avenir et les aspirations qui leur tiennent le plus à cœur, cette aventure dans les régions rurales amène généralement les individus à se pencher sur les enjeux de l’accès à l’eau potable et à l’irrigation, associés à la gestion pérenne des ressources hydriques. Une approche participative de la planification, basée sur l’identification par la communauté elle-même de ses objectifs de développement et de ses stratégies d’intervention, ainsi que sur son engagement envers la préservation et la viabilité à long terme de ses initiatives, se révèle être le pilier essentiel de la durabilité.
Au Maroc, ce processus est non seulement ancré dans la charte municipale du pays, qui requiert la collaboration des membres du conseil local avec les résidents de la juridiction pour l’élaboration des plans à long et à court terme, mais il constitue également le fondement essentiel de la branche de financement de l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH) du gouvernement marocain. De plus, la caractéristique de l’administration décentralisée du développement est consacrée dans la Constitution du pays, tandis que le rôle prépondérant des femmes est établi dans le code de la famille marocain, en constante évolution (Moudouwana).
Cette sécheresse implacable, qui finira par passer, nécessite de notre part, au Maroc, de maximiser l’investissement dans les stratégies marocaines déjà établies en matière de durabilité communautaire. Cela signifie que nous devons former des milliers d’agents de vulgarisation agricole et de gardiens des forêts nationales, des milliers d’étudiants universitaires et d’enseignants d’écoles rurales, des milliers de membres de conseils municipaux et de la société civile, ainsi que des leaders communautaires et religieux aux méthodes de facilitation du dialogue interactif participatif et des activités pour l’autonomisation personnelle et collective et la planification des initiatives prioritaires locales.
Cela est particulièrement vrai pour les initiatives impliquant la retenue d’eau et la maximisation de son utilisation, comprenant non seulement la construction des bassins, des tours, des tuyaux et des systèmes goutte-à-goutte, mais également la construction de centaines de milliers de terrasses et la plantation de centaines de millions de variétés d’arbres endémiques qui captureront l’eau, permettront un écoulement plus progressif, sans perdre l’eau précieuse du Maroc par ruissellement (oui, les arbres conservent l’eau!).
Le financement des associations et coopératives communautaires locales pour les questions liées à la gestion locale de l’eau et à son utilisation efficiente ne devrait pas dépendre exclusivement du ministère de l’Agriculture, mais devrait être intégré dans les budgets de tous les ministères dans la mesure du possible, en particulier celui de l’INDH. Étant donné que les projets d’infrastructure liés à l’eau représentent les coûts les plus élevés au niveau local, l’INDH devrait assouplir sa condition de contribution financière des bénéficiaires communautaires de 25 % et collaborer avec les groupes locaux pour élaborer des propositions de projet. Cette approche permettrait de rendre les financements de l’INDH accessibles aux demandeurs, notamment en tenant compte des taux d’analphabétisme élevés en milieu rural, une problématique nationale.
En d’autres termes, l’optimisation des cadres institutionnels publics au Maroc en vue de promouvoir le développement durable, tout en favorisant l’implication et la gestion des communautés, requiert l’intervention de facilitateurs afin de stimuler et soutenir la planification et la réalisation d’infrastructures et de projets relatifs à la gestion de l’eau. Ces acquisitions indispensables pourraient être facilitées par la réforme et le soutien apportés aux mécanismes de financement au Maroc.
Ainsi, le Maroc pourra renforcer et étendre son modèle de gestion de l’eau en temps de sécheresse en mettant en œuvre des projets d’approvisionnement décentralisés et communautaires. Cette approche pourrait servir d’exemple inspirant pour d’autres pays, en démontrant comment la participation citoyenne peut jouer un rôle crucial dans la transformation durable d’une situation catastrophique pour un avenir meilleur.
Dr. Yossef Ben-Meir est le président de la Fondation du Haut Atlas à Marrakech, au Maroc