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La lutte contre la traite des personnes dans la région de l’oriental: réalités, enjeux et réponses

Blah
المدونة
byOuidad Lahlou
onAugust 26, 2025

Le 30 juillet est une date consacrée à la célébration de la Journée mondiale de lutte contre la traite des êtres humains, une opportunité essentielle pour sensibiliser le public à ce fléau qui constitue l’une des violations les plus graves des droits humains touchant les individus les plus vulnérables, notamment les femmes, les enfants et les migrants. 

En raison de sa position géographique stratégique, à la frontière avec l’Algérie et à proximité des routes migratoires vers l’Europe, la région de l’Oriental représente non seulement une zone de transit, mais aussi une zone de destination et de départ, notamment pour les migrants d’Afrique subsaharienne et d’Asie qui y arrivent et y stationnent en attente d’un passage vers l’Europe. Certains d’entre eux sont recrutés ou exploités sur place, notamment dans les secteurs informels tels que l’agriculture, le travail domestique ou la prostitution forcée.

Étant une frontière difficile à surveiller, la frontière algérienne est souvent traversée clandestinement, favorisant ainsi les réseaux de passeurs et les trafiquants qui profitent de la quasi-absence de protection des migrants. De ce fait, la région connaît une forte présence migratoire, abritant des groupes importants de migrants en situation irrégulière, souvent sans papiers, qui vivent dans la précarité et sont plus vulnérables à l’exploitation. Parmi ces groupes sociaux particulièrement ciblés par les trafiquants figurent les femmes migrantes, notamment les femmes enceintes et les mineures non accompagnées.

Le fléau de la traite des personnes est étroitement lié à la vulnérabilité des migrants, qui en profite pleinement, notamment à travers l’exploitation sexuelle et le travail forcé. Ce phénomène est accentué par des facteurs structurels tels que la pauvreté, la sécheresse, les conflits et les changements climatiques.

Dans son rapport 2024 sur le sujet, le Département d'État des États-Unis a révélé que le gouvernement marocain a fait des efforts significatifs pour éliminer la traite des êtres humains par rapport aux années précédentes, obtenant une position de Tier 2. Cette catégorie signifie que les normes minimales pour l'élimination de la traite des personnes ne sont pas encore pleinement respectées, mais que des progrès significatifs sont constatés.

Parmi les actions notables :

  • La mise en place du premier guide des indicateurs de détection et d’identification des victimes potentielles, en versions arabe et française, publié en 2023 par la Commission nationale chargée de la coordination des mesures de lutte et prévention contre la traite des êtres humains du Royaume du Maroc, en partenariat avec le Conseil de l’Europe. Ce guide vise à faciliter la détection et l’identification des victimes potentielles par les professionnels de terrain et le grand public, et à former les professionnels des secteurs de la sécurité, du droit, de la santé, du travail et de la société civile .
  • La création d’un numéro vert d’alerte gratuit, le 0800 00 47 47, mis en place par la CNCLT, exclusivement dédié au signalement de potentielles victimes de traite des êtres humains.
  • L’augmentation des poursuites judiciaires et des condamnations : un total de 85 affaires liées au trafic d'êtres humains a été enregistré au cours de l'année 2021, soit une augmentation de 8 % par rapport à l'année 2020 où 79 affaires avaient été recensées. Parmi ces dossiers, 21 concernent des crimes transnationaux, ce qui souligne la dimension internationale du phénomène.
  • La collaboration avec des ONG pour l’hébergement d’urgence des victimes, ainsi que l’organisation de formations pour les autorités compétentes.

Au niveau de la région de l’Oriental, en partenariat avec la CNCLT et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), la troisième session d’une série d’ateliers de formation sur la lutte contre la traite des êtres humains et les risques de la migration irrégulière s’est tenue à Nador les 5 et 6 février 2025. Cet atelier visait à renforcer les compétences des acteurs régionaux dans la lutte contre la traite des personnes et les risques migratoires.

Plusieurs initiatives associatives et ONG actives dans la région de l’Oriental œuvrent dans la lutte contre la traite des personnes, l’accompagnement des victimes et la formation, notamment :

  • Le projet SAVE (Soutien dans l’identification et l’accompagnement des victimes de traite des êtres humains), qui vise à renforcer les capacités opérationnelles et techniques des acteurs de la société civile marocaine dans l’identification des victimes de traite à des fins d’exploitation par le travail et l’accompagnement juridique spécialisé. Ce projet regroupe six acteurs de la société civile, à savoir l’Association INSAF, Action Écoute et Orientation, Afrique Culture Maroc, Al Karam, Voix des Femmes Marocaines, ainsi que le Comité contre l’Esclavage Moderne (CCEM). 
  • La mise en place d’un centre d’accueil pour réfugiés, migrants africains et mineurs non accompagnés, avec une présence active à Nador et dans les zones frontalières, assuré par la Fondation Orient-Occident, en collaboration avec le Haut-Commissariat aux Réfugiés (HCR) .
  • L’organisation par la Fondation HAF, à travers la Clinique Juridique, d’une formation au profit des étudiants-chercheurs membres de ladite Clinique, dans le cadre de l’engagement de la société civile et de l’université. Cette initiative avait pour but et pour effet de sensibiliser ces étudiants au fléau de la traite des personnes et de les initier à la méthodologie européenne des 4 P (protection, poursuite judiciaire, partenariat et prévention). La formation a également mis en lumière la complexité de ce phénomène silencieux et ses diverses formes (travail forcé, mendicité et prostitution forcées, esclavage domestique, trafic d’organes, recrutement d’enfants, exploitation sexuelle, etc.). Elle a enfin permis aux étudiants de renforcer leur compréhension du sujet et de se doter d’outils de protection et d’intervention adaptés aux victimes.

Ces initiatives dans la région de l’Oriental s’inscrivent pleinement dans la mise en œuvre territoriale des politiques nationales de lutte contre la traite des êtres humains. En effet, la loi n° 27‑14 du 25 août 2016 relative à la lutte contre la traite des êtres humains : Criminalise tous les actes liés à la traite ; prévoit des peines sévères allant jusqu’à la réclusion à perpétuité, Consacre les droits des victimes, notamment la protection, l’assistance, et la non-poursuite pour des infractions commises sous contrainte liée à la traite ; et installe un cadre de coordination pour la mise en œuvre des politiques publiques via la CNCLT.

De plus, le Plan national 2023-2030 de lutte et de prévention contre la traite des êtres humains, le Plan d’action stratégique national de mise en œuvre pour 2023-2026, ainsi que le mécanisme national de renvoi pour les victimes de traite des êtres humains forment un dispositif intégré permettant de lutter efficacement contre ce fléau. Ces instruments instaurent une collaboration inter-institutionnelle garantissant une réponse multisectorielle, améliorent la protection des victimes, et s’alignent sur les normes internationales, renforçant ainsi la crédibilité et l’engagement du Royaume sur le plan mondial.

La lutte contre la traite des êtres humains dans la région de l’Oriental montre la complexité d’un fléau enraciné dans les inégalités, les conflits et les logiques migratoires contemporaines. Les défis restent nombreux : le renforcement des capacités locales, une meilleure coordination entre acteurs et une protection effective des victimes malgré les efforts du royaume, tant au niveau national que régional.

Pour bâtir une réponse durable face à ce crime aux multiples visages, l’adoption de stratégies intégrées, combinée à une implication active des collectivités territoriales et de la société civile, constitue aujourd’hui une condition essentielle. Cette action doit être fondée sur les droits humains et l’inclusion, afin de prévenir durablement l’émergence de nouvelles formes de traite dans un contexte en constante mutation.

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Cet article a été réalisé dans le cadre de la campagne de sensibilisation juridique menée par la première promotion d'étudiants de la Clinique juridique d'Oujda, dans le cadre du programme "Renforcer l'engagement de la société civile et des universités dans l’Oriental", mis en œuvre par la Fondation du Haut Atlas (FHA) et financé par la National Endowment for Democracy (NED). Le programme vise à renforcer la coopération entre les universités et les organisations de la société civile, à doter les étudiants de compétences pratiques pour traiter les questions sociales et juridiques et à promouvoir la sensibilisation des communautés dans la région de l’Oriental. Le contenu de cet article reflète les opinions de son auteur et ne représente pas nécessairement celles des organisations de soutien ou de mise en œuvre.